Réinventer les toits urbains : Une solution face aux îlots de chaleur
Alors que le dérèglement climatique se fait de plus en plus sentir, surtout en été, l’intensification des usages au sein des villes combinés à une forte densité ne fait qu’augmenter le phénomène d'Îlots de Chaleur Urbaine (ICU). Les ICU désignent une sorte de dôme de chaleur qui se développe sur les milieux urbains dense et qui augmente drastiquement la température de l’air et de surface, surtout la nuit. En moyenne, la température diffère de 2 à 10°C entre le centre-ville et sa périphérie. Plusieurs facteurs favorisent les ICU :
La configuration urbaine : La concentration élevée de bâtiments haut dans les centres urbains peut limiter la circulation de l'air et favoriser l'accumulation de chaleur.
Matériaux de construction : Les matériaux couramment utilisés en ville, comme le béton, l'asphalte, le bitume et le métal, absorbent et retiennent la chaleur. Les surfaces sombres, en particulier, ont un faible albédo et restituent la chaleur durant la nuit. En moyenne, on estime que l’asphalte en magazine 9 fois plus de chaleur qu’un sol en dalle clair.
L’absence de végétation et d’eau : Le manque d'espaces verts et d'étendue d’eau réduit la transpiration et l'évaporation, deux processus qui refroidissent naturellement l'air. Les arbres fournissent également de l'ombre, ce qui réduit la température ambiante.
Les activités anthropiques : Les climatisations, les émissions liées aux voitures ou aux usines accentuent cet effet.
À Marseille, des relevés ont montré que la température de surface entre la place Castellane et le jardin du pharo pouvait varier de 15 degrés (source : Agam, 2018). Si le Giec annonçait entre 1 et 1,5 degré de plus d’ici 2030, la température devrait augmenter de 6 à 8 degrés dans les villes.
Les toits : problème ou solution ? Une tentative parisienne.
À Paris, les toits en tuiles ne sont pas courants mais le zinc domine sur près de 80% des toitures, produisant des chaleurs en surface pouvant atteindre 90°C en plein soleil. Roofscapes, un cabinet d’architecte parisien à voulu relever le défi et proposer une solution technique pour les toits pentus en zinc parisiens. En adaptant les toits en pente pour les transformer en espaces verts, Roofscapes permet de surmonter les limites des toits en zinc et d'exploiter ces surfaces pour lutter efficacement contre les ICU. Leurs interventions sur les toits en pente visent à transformer ces espaces sous-utilisés en véritables oasis urbaines. Cette entreprise adapte les toits en pente pour y intégrer des espaces végétalisés et des systèmes de refroidissement passif. Cette surélévation en bois permet d’une part de limiter le contact direct entre le soleil et le toit en zinc, de mettre des plantes qui favorisent le développement de la biodiversité et limite le phénomène d'Îlot de Chaleur Urbaine, d’installer des recuperateur d’eau pour favoriser une autonomie hydrique des plantes même en période de canicule. D’après la mesure d’impact réalisé par Roofscapes lors d’une journée type, les premiers résultats sont concluants : le zinc exposé au soleil avait un température de 67,6°C et la température sous le zinc était de 47°C. La température du zinc protégé par la structure végétalisée n’était que de 35,7°C et 29,7°C (source : Roofscapes).
Crédit image : Lionel Leduc
Des toits verts aux toits refuges à Marseille
Une fois végétalisés, les toits pourraient également devenir des îlots de fraîcheur où les marseillaises et marseillais pourraient se réunir. C'est la question qui a occupé le collectif Atlas.t et l’artiste-chercheure Magalie Martin durant leur résidence en architecture à Marseille : et si les toits devenaient à la fois des refuges climatiques et des espaces inclusifs pour les plus vulnérables ? Dans le quartier de Belsunce, elles ont mené le projet Idées fraîches sur le toit-terrasse du centre culturel et social Coco Velten, explorant l'habitabilité des espaces publics lors des vagues de chaleur. Ce projet repose sur deux constats : à Belsunce, les espaces verts, rares, sont difficiles à créer rapidement en raison de contraintes foncières et techniques ; et les habitants cherchent la fraîcheur à l'extérieur en fin de journée ou la nuit pendant les canicules, faisant des toits des espaces clés pour l'adaptation des villes. Lors de la précédente édition du festival, le collectif avait présenté leur dispositif anti-canicule à l'issue de sa résidence sur le toit de Coco Velten.
Ce projet a mis en lumière une piste d'aménagement pour transformer les toitures plates du quartier en espaces communs conviviaux, accueillant familles et individus en quête de fraîcheur, avec l'idée de créer des espaces ventilés de proximité, refuges nocturnes pour tous, en particulier pour les enfants et les personnes âgées, vulnérables aux vagues de chaleur.
C'est en exploitant pleinement le potentiel de nos toits que nous pourrons profiter d’une ville plus résiliente, saine, agréable et solidaire.
Pour lutter contre les ICU on doit favoriser une architecture bioclimatique, une architecture qui cherche à s’adapter au mieux au contexte et au climat environnant, dans laquelle les toits peuvent jouer un rôle important (source : Agam, 2018). Comme le montre l'exemple de Paris, la végétation des toits peut contribuer naturellement à améliorer le confort climatique à l'intérieur des bâtiments et des espaces environnants, formant des îlots de fraîcheur. En ajoutant des couches de verdure, ces toits réduisent efficacement les températures grâce à l’évapotranspiration et à l’ombre qu’ils procurent, ainsi que des micro-courants d’air. En plus d’améliorer le confort thermique, ils favorisent la circulation et la qualité de l’air et humidifient l’atmosphère.
Crédit image : Lionel Leduc
Dans notre article précédent nous présentions l’exemple à Marseille de la prairie sur le réservoir Lacédémone, mais ce n’est pas toujours possible. Le centre ville, comme à Paris, est une zone fortement encline au phénomène d'îlots de chaleur, les toits en tuiles traditionnelles sont un défi pour l’exploitation de ces surfaces. De plus, de nombreux bâtiments sont protégés au titre du patrimoine et ne peuvent donc pas subir de modifications importantes. L’exemple du dispositif développé par Roofscapes est une inspiration à implanter et adapter.
Crédit image : Caroline Dutrey
Crédit installation éphémère dispositif anti-canicule : collectif Altas t
Crédit oeuvre : Mistral gagnant, toile de jute, peinture acrylique, installation éphémère, 2023, artiste-chercheure Magalie Martin
Sources:
Agam, 2018 : Chaud dehors ! De la fraîcheur face aux îlots de chaleur urbains.
Roofscapes : website
Atlas.t : livret
Louis Carmona, Hanna Steyaert
4/10/2024